Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1869, tome 6.djvu/145

Cette page a été validée par deux contributeurs.
147
SCÈNE VI.

PETRUCHIO.

— Je te dis, Cateau, qu’elle était brûlée et desséchée ; — et il m’est expressément défendu de la manger ainsi ; — car elle engendre la colère et enracine la fureur ; — étant tous deux assez colériques par nature, — il vaudrait mieux pour nous rester à jeun — que de nous nourrir ainsi de viande par trop cuite. — Prends patience ; demain on fera mieux. — et, pour ce soir, nous jeûnerons de compagnie… — Viens, je vais te conduire à ta chambre nuptiale.

Petruchio et Catharina sortent, suivis de Curtis.
NATHANIEL, s’avançant.

— Pierre, as-tu jamais rien vu de pareil ?

PIERRE.

— Il la massacre avec sa propre humeur.

Revient Curtis.
GRUMIO.

— Où est-il ?

CURTIS.

Dans la chambre de Madame — à lui faire un sermon de continence ; et il peste, et il jure, et il gronde si bien, qu’elle, la pauvre âme, — ne sait plus comment se tenir, regarder, ni s’exprimer, — et reste ébahie, comme éveillée en sursaut d’un rêve… — Sortons ! sortons ! car le voici qui vient.

PETRUCHIO, seul.

— Ainsi j’ai commencé mon règne en profond politique, — et j’espère arriver à bonne fin. — Voilà mon faucon stimulé par les privations ; — et, jusqu’à ce qu’il soit dressé, je ne veux pas le rassasier ; — car alors il ne serait plus attiré par le leurre (17). — J’ai encore un autre moyen de dompter mon oiseau sauvage, — et de lui apprendre à revenir et à connaître la voix de son maître, — c’est de le tenir éveillé, comme on tient le milan