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INTRODUCTION.

elle n’a pas soufflé. Gremio prétend même l’avoir vue trembler quand Petruchio a jeté à la barbe du curé le fond de la coupe de communion. Est-il possible ? Se pourrait-il que la farouche fût déjà effarouchée ! Nous le saurons bien tout à l’heure.

La fantastique cérémonie terminée, toute la procession s’en retourne au logis de Baptista. Un magnifique festival a été préparé chez le beau-père ; et chacun des convives a aiguisé son plus famélique appétit pour ce repas de Gamache. Cependant il est dit que ces noces ne ressembleront en rien aux autres épousailles. Au moment de se mettre à table, Petruchio annonce une résolution inouïe, celle de ne pas s’y mettre : des affaires urgentes, prétend-il, l’obligent à partir avant ce soir ; il partira donc avec sa femme. À cette déclaration malsonnante, tous se récrient : il est inadmissible qu’un dîner de mariage se passe de mariés. Pareille chose ne s’est jamais vue depuis qu’il y a des Padouans à Padoue. On entoure Petruchio ; on le conjure de ne pas gâter une fête qui menace d’être charmante. Baptista le supplie de rester : — Impossible, mugit Petruchio. Le jeune Tranio intercède ; même mugissement. Le vieux Gremio intercède ; même mugissement. Alors Catharina, Catharina la méchante, Catharina l’intraitable, Catharina la maudite, s’avance vers son mari et, lui serrant la main, lui dit de la voix la plus câline : Je vous en supplie !

— J’en suis fort aise, exclame Petruchio.

— Fort aise de rester ?

— Je suis fort aise que vous me suppliiez de rester, mais résolu à ne pas rester.

— Voyons, restez, si vous m’aimez.

— Grumio, mes chevaux !

Ce Je vous en supplie de Catharina est déjà un joli suc-