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SCÈNE III.
traversé l’instrument. — Et ainsi je suis resté quelque temps pétrifié, — comme un homme au pilori, ayant un luth pour carcan, — tandis qu’elle me traitait de misérable râcleur, — de musicien manqué, et de vingt autres noms injurieux, — comme si elle avait appris une leçon pour mieux m’insulter.
PETRUCHIO.

— Ah ! par l’univers, voilà une robuste donzelle ! — Je l’en aime dix fois davantage ! — Oh ! combien il me tarde d’avoir avec elle une petite causerie !

BAPTISTA, à Hortensio.

— Allons, viens avec moi et ne sois pas si déconfit ; — poursuis tes leçons avec ma fille cadette ; — elle a des dispositions, et elle est reconnaissante du bien qu’on lui fait. — Signor Petruchio, voulez-vous venir avec nous, — ou bien vous enverrai-je ma fille Catharina ?

PETRUCHIO.

— Envoyez-la, je vous prie ; je l’attendrai ici.

Sortent Baptista, Gremio, Tranio et Hortensio.
PETRUCHIO, seul.

— Dès qu’elle viendra, je vais lui faire lestement ma cour. — Supposons qu’elle vocifère ; eh bien, je lui dirai tout net — qu’elle chante aussi harmonieusement qu’un rossignol. — Supposons qu’elle fasse la moue, je lui déclarerai — qu’elle a l’air aussi riant — que la rose du matin encore baignée de rosée. — Si elle reste muette et s’obstine à ne pas dire un mot, — alors je vanterai sa volubilité — et je lui dirai que son éloquence est entraînante ; — si elle me dit de déguerpir, je la remercierai, — comme si elle m’invitait à rester près d’elle une semaine. — Si elle refuse de m’épouser, je lui demanderai tendrement — quand je dois faire publier les bans et quand nous devons nous marier. — Mais la voici. Allons, Petruchio, parle…