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APPENDICE.

de l’esprit de Dieu. Quant aux ferrements desquels je fus trouvé saisi, il n’est besoin maintenant de vous faire entendre pour quel usage a été créé le fer premièrement, et comme de soi il ne peut rien accroître en l’homme de bien ou de mal, sinon par la maligne volonté de celui qui en abuse. Ce que j’ai bien voulu mettre en avant pour vous faire entendre que ni mes larmes ni le fer ni l’heure suspecte ne me peuvent convaincre de meurtre, ni me rendre autre que je suis, mais seulement le témoignage de ma propre conscience, lequel seul me servirait (si j’étais coupable) d’accusateur, de témoin et de bourreau. Laquelle (vu l’âge où je suis et la réputation que j’ai eue le passé entre vous et le petit séjour que j’ai plus à faire en ce monde) me devrait plus tourmenter là dedans que toutes les peines mortelles qu’on saurait proposer. Mais (la grâce à mon Dieu) je ne sens aucun ver qui me ronge, ni aucun remords qui me pique, touchant le fait pour lequel je vous vois tous troublés et épouvantés. Et afin de mettre vos âmes en repos, et pour éteindre les scrupules qui pourraient tourmenter désormais vos consciences, je vous jure sur toute la part que je prétends au ciel, de vous faire entendre maintenant de fond en comble le discours de cette piteuse tragédie, de laquelle vous ne serez (peut-être) moins émerveillés que de deux pauvres passionnés amants qui ont été forts et patients à s’exposer à la miséricorde de la mort, pour la fervente et indissoluble amitié qu’ils se sont portée.

Et lors le beau père commença à leur déduire le commencement des amours de Juliette et de Rhoméo : lesquelles après avoir été par quelque espace de temps confirmées, s’était ensuivie parole de présent, promesse de mariage entre eux, sans qu’il en sût rien. Et comme (quelques jours après) les amants se sentant aiguillonnés d’une amour plus forte, s’étaient adressés à lui sous le