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TROISIÈME HISTOIRE TRAGIQUE.

fortune la fenêtre (par laquelle soulait Rhoméo entrer en sa chambre), s’écria :

— Ô malheureuse fenêtre par laquelle furent ourdies les amères trames de mes premiers malheurs, si par ton moyen j’ai reçu autrefois quelque léger plaisir ou contentement transitoire, tu m’en fais maintenant payer un si rigoureux tribut que mon tendre corps, ne le pouvant plus supporter, ouvrira désormais la porte à la vie, afin que l’esprit déchargé de ce mortel fardeau cherche désormais ailleurs plus assuré repos. Ah ! Rhoméo, Rhoméo, quand au commencement j’eus accointance de vous et que je prêtais l’oreille à vos fardées promesses confirmées par tant de jurements, je n’eusse jamais cru qu’au lieu de continuer notre amitié et d’apaiser les miens, vous eussiez cherché l’occasion de la rompre par un acte si lâche et vitupérable que votre renommée en demeure à jamais intéressée, et moi misérable que je suis sans consort et époux. Mais si vous étiez si affamée du sang des Capellets, pourquoi avez-vous épargné le mien, lorsque par tant de fois et en lieu secret m’avez vue exposée à la merci de vos cruelles mains ? La victoire que vous aviez eue sur moi ne vous semblait-elle assez glorieuse, si pour mieux la solenniser elle n’était couronnée du sang du plus cher de tous mes cousins ? Or, allez donc désormais ailleurs décevoir les autres malheureuses comme moi, sans vous trouver en part où je sois, ni sans qu’aucune de vos excuses puisse trouver lieu en mon endroit. Et cependant je lamenterai le reste de ma triste vie avec tant de larmes, que mon corps épuisé de toute humidité cherchera en bref son réfrigère en terre.

Et ayant mis fin à ces propos, le cœur lui serra si fort qu’elle ne pouvait ni pleurer ni parler, et demeura du tout immobile, comme si elle eût été transie, puis étant quelque peu revenue, avec une faible voix disait :