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LES AMANTS TRAGIQUES.

explique de quelle fatale méprise il a éfé victime ; Juliette déclare qu’elle suivra Roméo dans la tombe. Roméo combat d’une voix épuisée cette héroïque résolution.

— Si ma foi et mon amour vous ont été chers, vivez, je vous en supplie, vivez, puisque vous pouvez encore jouir de la vie !

— Ah ! répond-elle, si vous avez sacrifié votre vie pour ma mort qui n’était que simulée, que ne dois-je pas faire, mon bien-aimé, pour votre mort qui n’est, hélas ! que trop réelle ? Mon seul regret est de ne pas avoir le moyen de mourir avant vous, et je m’en veux à moi-même de vivre encore au moment de vous perdre.

Roméo essaye de répliquer à Juliette ; mais les forces lui manquent ; le râle le serre à la gorge et l’empêche de parler. À ce moment, le Père Lorenzo, qui doit venir chercher la jeune femme, apparaît à l’entrée du caveau. Il s’étonne des gémissements qu’il entend :

— Crains-tu donc, ma chère fille, dit-il à Juliette, que je te laisse mourir ici ?

— Bien loin de là ; ma seule crainte est que vous ne m’en retiriez vivante. Ah ! par pitié, refermez ce sépulcre et éloignez-vous, que je puisse mourir tranquille. Mon père ! mon père ! est-ce donc ainsi que vous m’avez rendu à Roméo ? Voyez ! voyez ! je le presse sur mon sein !

Et Juliette montre au moine effaré son mari qui agonise. Lorenzo se penche sur Roméo et le supplie de parler à sa Juliette. À ce nom bien-aimé, le moribond rouvre les yeux, les fixe tendrement sur Juliette, soupire et rend l’âme.

Le jour commençait à poindre. Lorenzo veut éloigner la jeune femme du cher cadavre qu’elle étreint encore : oh ! qu’elle vienne dans un couvent prier pour Roméo ! Mais Juliette refuse ; son unique vœu est d’être enterrée