Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 7.djvu/334

Cette page a été validée par deux contributeurs.
330
ROMÉO ET JULIETTE.

JULIETTE.

— Allons, fenêtre, laissez entrer le jour et sortir ma vie.

ROMÉO.

— Adieu, adieu ! un baiser, et je descends.

Ils s’embrassent. Roméo descend.
JULIETTE, se penchant sur le balcon.

— Te voilà donc parti ? amour, seigneur, époux, ami ! — Il me faudra de tes nouvelles à chaque heure du jour, — car il y a tant de jours dans une minute ! — Oh ! à ce compte-là, je serai bien vieille, — quand je reverrai mon Roméo.

ROMÉO.

— Adieu ! je ne perdrai pas une occasion, — mon amour, de t’envoyer un souvenir.

JULIETTE.

— Oh ! crois-tu que nous nous rejoindrons jamais ?

ROMÉO.

— Je n’en doute pas : et toutes ces douleurs feront — le doux entretien de nos moments à venir.

JULIETTE.

— Ô Dieu ! j’ai dans l’âme un présage fatal. — Maintenant que tu es en bas, tu m’apparais — comme un mort au fond d’une tombe. — Ou mes yeux me trompent, ou tu es bien pâle.

ROMÉO.

— Crois-moi, amour, tu me sembles bien pâle aussi. — L’angoisse aride boit notre sang. Adieu ! adieu !

Roméo sort.
JULIETTE.

— Ô fortune ! fortune ! tout le monde te dit capricieuse ! — Si tu es capricieuse, qu’as-tu à faire avec un homme d’aussi illustre constance ? Fortune, soit capri-