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SCÈNE XII.
nous les rencontrons, nous ne pourrons pas éviter une querelle : — car, dans ces jours de chaleur, le sang est furieusement excité (87) ! —
MERCUTIO.

Tu m’as tout l’air d’un de ces gaillards qui, dès qu’ils entrent dans une taverne, me flanquent leur épée sur la table en disant : Dieu veuille que je n’en aie pas besoin ! et qui, à peine la seconde rasade a-t-elle opéré, dégainent contre le cabaretier, sans qu’en réalité il en soit besoin.

BENVOLIO.

Moi ! j’ai l’air d’un de ces gaillards-là ?

MERCUTIO.

Allons, allons, tu as la tête aussi chaude que n’importe quel drille d’Italie ; personne n’a plus d’emportement que toi à prendre de l’humeur et personne n’est plus d’humeur à s’emporter.

BENVOLIO.

Comment cela ?

MERCUTIO.

Oui, s’il existait deux êtres comme toi, nous n’en aurions bientôt plus un seul, car l’un tuerait l’autre (88). Toi ! mais tu te querelleras avec un homme qui aura au menton un poil de plus ou de moins que toi ! Tu te querelleras avec un homme qui fera craquer des noix, par cette unique raison que tu as l’œil couleur noisette : il faut des yeux comme les tiens pour découvrir là un grief ! Ta tête est pleine de querelles, comme l’œuf est plein du poussin ; ce qui ne l’empêche pas d’être vide, comme l’œuf cassé, à force d’avoir été battue à chaque querelle. Tu t’es querellé avec un homme qui toussait dans la rue, parce qu’il avait réveillé ton chien endormi au soleil. Un jour, n’as-tu pas cherché noise à un tailleur parce qu’il portait un pourpoint neuf avant Pâques, et à