Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 7.djvu/27

Cette page a été validée par deux contributeurs.
23
INTRODUCTION.

ver. Celle-ci résiste aux sollicitations de César, comme celle-là aux prières de Laurence : « Je ne me fie qu’à ma résolution, » dit l’une, et elle s’applique l’aspic. — Je ne veux pas partir, s’écrie l’autre, et elle saisit le poignard.

Sublime conclusion ! Entre ces deux couples qui ont vécu si différemment, l’amour infini supprime toute différence : il efface toute distinction entre les innocents et les coupables ; il fait de l’Égyptienne expirante l’égale de la Véronaise à l’agonie, il donne à l’adultère l’auguste majesté du mariage. « Donne-moi mon manteau, mets-moi ma couronne. J’ai en moi d’immortelles convoitises. Vite, vite, Iras. Il me semble que j’entends Antoine qui appelle. Je le vois qui se lève pour louer ma noble action… Époux, j’arrive : que mon courage soit désormais mon titre à ce nom ! » Oui, le même nom que Juliette donne à Roméo, Cléopâtre a enfin conquis le droit de le donner à Antoine : au moment où elle se tue pour lui, il lui est bien permis de l’appeler son époux. Les deux amants ont échangé en mourant le baiser des éternelles fiançailles. Entre elle et lui, désormais plus de séparation à craindre, plus de divorce possible. Leur ennemi même est obligé de reconnaître cette union sainte, perpétuée par le sacrifice. « Enlevez-la, dit Octave à ses gardes, elle sera enterrée près de son Antoine : jamais tombe sur la terre n’étreindra un couple aussi fameux. »

Ensevelis par leur vainqueur, Antoine et Cléopâtre reposent côte à côte dans le cercueil nuptial. La mort a été pour eux l’hymen.

II

C’était après Marignan. La guerre que la république de Venise, aidée de la France chevaleresque, soutenait