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SCÈNE IV.

— Elle est la fée accoucheuse et elle arrive, — pas plus grande qu’une agate — à l’index d’un alderman, — traînée par un attelage de petits atomes — à travers les nez des hommes qui gisent endormis. — Les rayons des roues de son char sont faits de longues pattes de faucheux ; — la capote, d’ailes de sauterelles ; — les rênes, de la plus fine toile d’araignée ; les harnais, d’humides rayons de lune. — Son fouet, fait d’un os de griffon, a pour corde un fil de la Vierge. — Son cocher est un petit cousin en livrée grise, — moins gros de moitié qu’une petite bête ronde — tirée avec une épingle du doigt paresseux d’une servante. — Son chariot est une noisette, vide, — taillée par le menuisier écureuil ou par le vieux ciron, — carrossier immémorial des fées. — C’est dans cet apparat qu’elle galope de nuit en nuit — à travers les cerveaux des amants qui alors rêvent d’amour, — sur les genoux des courtisans qui rêvent aussitôt de courtoisies, — sur les doigts des gens de loi qui aussitôt rêvent d’honoraires, — sur les lèvres des dames qui rêvent de baisers aussitôt ! — Ces lèvres, Mab les crible souvent d’ampoules, irritée — de ce que leur haleine est gâtée par quelque pommade. — Tantôt elle galope sur le nez d’un solliciteur, — et vite il rêve qu’il flaire une place ; — tantôt elle vient avec la queue d’un cochon de la dîme — chatouiller la narine d’un curé endormi, — et vite il rêve d’un autre bénéfice ; — tantôt elle passe sur le cou d’un soldat, — et alors il rêve de gorges ennemies coupées, — de brèches, d’embuscades, de lames espagnoles, — de rasades profondes de cinq brasses, et puis de tambours — battant à son oreille ; sur quoi il tressaille, s’éveille, — et, ainsi alarmé, jure une prière ou deux, — et se rendort. C’est cette même Mab — qui, la nuit, tresse la crinière des chevaux — et dans les poils emmêlés durcit ces nœuds magiques — qu’on ne peut