Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 7.djvu/253

Cette page a été validée par deux contributeurs.
249
SCÈNE I.

ROMÉO.

— Le jour est-il si jeune encore ?

BENVOLIO.

— Neuf heures viennent de sonner.

ROMÉO.

Oh ! que les heures tristes semblent longues ! — N’est-ce pas mon père qui vient de partir si vite ?

BENVOLIO.

— C’est lui-même. Quelle est donc la tristesse qui allonge les heures de Roméo ?

ROMÉO.

— La tristesse de ne pas avoir ce qui les abrégerait.

BENVOLIO.

— Tu es amoureux ?

ROMÉO.

Je suis éperdu…

BENVOLIO.

D’amour !

ROMÉO.

— Des dédains de celle que j’aime.

BENVOLIO.

— Hélas ! faut-il que l’amour, si doux en apparence, — soit si tyrannique et si cruel à l’épreuve ?

ROMÉO.

— Hélas ! faut-il que l’amour, malgré le bandeau qui l’aveugle, — trouve toujours, sans y voir, un chemin vers son but (43) !… — Où dînerons-nous !… Ô mon Dieu !… Quel était ce tapage ?… — Mais non, ne me le dis pas, car je sais tout ! — Ici on a beaucoup à faire avec la haine, mais plus encore avec l’amour… — Amour ! Ô tumultueux amour ! Ô amoureuse haine ! — Ô tout, créé de rien ! — Ô lourde légèreté ! vanité sérieuse ! — Informe chaos de ravissantes visions ! — Plume de plomb, lumineuse fumée, feu glacé, santé maladive ! — Sommeil