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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.

ANTOINE.

— Mes muscles, mon cœur, mon souffle vont être triplés, — et je veux combattre sans merci. Quand mes heures coulaient insouciantes et propices, les vaincus se rachetaient de moi — avec un bon mot, mais maintenant, je vais grincer des dents — et envoyer dans les ténèbres tous ceux qui m’arrêteront… Allons, — ayons encore une nuit joyeuse ; qu’on appelle à moi — tous mes tristes capitaines et qu’on remplisse nos coupes ; encore une fois — narguons la cloche de minuit !

CLÉOPÂTRE.

C’est aujourd’hui l’anniversaire de ma naissance ; je croyais qu’il serait pauvrement fêté ; mais puisque mon seigneur — est redevenu Antoine, je veux être Cléopâtre.

ANTOINE.

— Tout ira bien encore.

CLÉOPÂTRE.

— Qu’on appelle auprès de monseigneur tous ses nobles capitaines !

ANTOINE.

— Faites. Nous voulons leur parler ; et ce soir je forcerai — le vin à sourdre sous leurs cicatrices… Venez, ma reine ; — il y a encore de la sève, là ! La prochaine fois que je combattrai, — je rendrai la mort amoureuse de moi ; car je vais rivaliser — avec sa faux pestilentielle.

Sortent Antoine, Cléopâtre et les serviteurs.
ÉNOBARRUS.

— Le voilà résolu à éclipser la foudre ! Être furieux, — c’est n’avoir plus peur à force d’effarement ; dans cette humeur-là, — une colombe attaquerait une autruche. Je le vois, c’est toujours — au dépens de sa cervelle que notre capitaine — reprend du cœur. Quand la