Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 7.djvu/172

Cette page a été validée par deux contributeurs.
168
ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.

ÉROS, à Antoine.

— Très-noble sire, levez-vous ; la reine s’avance ; sa tête s’incline et la mort va la saisir ; rien — qu’un mot de consolation, et vous la sauvez.

ANTOINE.

J’ai forfait à la gloire ! — Reculade ignoble !

ÉROS.

Sire, la reine !

ANTOINE, se détournant.

— Oh ! où m’as-tu réduit, Égyptienne ? Vois, — je ne puis te cacher ma confusion, — qu’en regardant, derrière moi, — les ruines de mon honneur !

CLÉOPÂTRE.

Ô monseigneur ! monseigneur ! — Pardonnez à mes voiles peureuses ! Je ne croyais pas — que vous me suivriez.

ANTOINE.

Égyptienne, tu savais trop bien — que mon cœur était attaché par toutes ses cordes à ton gouvernail — et que tu me remorquerais. Tu savais — ta pleine suprématie sur mon âme, et — qu’un signe de toi pourrait me faire enfreindre — l’ordre même des dieux.

CLÉOPÂTRE.

Oh ! pardon !

ANTOINE.

Maintenant, il faut — que j’envoie d’humbles supplications à ce jeune homme ; il faut que je biaise — et que je rampe dans tous les méandres de la bassesse, moi qui — avais pour hochet la moitié du monde, — qui faisais et défaisais les fortunes !… Vous saviez — à quel point vous m’aviez conquis, et que — mon épée, affaiblie par ma passion, — lui obéirait en tout.

CLÉOPÂTRE.

Oh ! pardon ! pardon !

Elle pleure.