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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.
me suis tellement attardé dans ce monde que j’ai — pour toujours perdu mon chemin… J’ai là un navire — chargé d’or ; prenez-le, partagez-vous-le ; fuyez — et faites votre paix avec César (21).
LES SERVITEURS.

Nous, fuir ! jamais !

ANTOINE.

— J’ai fui moi-même, et j’ai appris aux autres — à se sauver et à montrer leurs épaules… Amis, partez — je me suis moi-même décidé pour une voie — où je n’ai pas besoin de vous : partez ! — mon trésor est dans le havre, prenez-le !… Oh ! — j’ai couru après ce que je rougis maintenant de regarder ! — Mes cheveux mêmes en sont révoltés : car les blancs — reprochent aux bruns tant de témérité, et ceux-ci reprochent à ceux-là — tant de couardise et d’ineptie !… Amis, partez ; vous aurez — des lettres de moi pour quelques amis qui vous — balayeront l’accès auprès de César. Je vous en prie, n’ayez pas l’air triste — et ne me faites pas d’objections ; prenez l’avis — que proclame mon désespoir ; abandonnez — qui s’abandonne. Vite au rivage ! — Je vais vous livrer ce navire et ce trésor. — Laissez-moi un peu, je vous prie ! oui, je vous en prie, — laissez-moi ! Voyez-vous, j’ai perdu le droit de commander ; aussi, je vous prie ! Je vous rejoindrai tout à l’heure.

Il s’assied.
Entre Éros, puis Cléopâtre, soutenue par Charmion et Iras.
ÉROS, à Cléopâtre.

Ah ! bonne madame ! allez le consoler.

IRAS.

Allez, chère reine.