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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.
tourne le gouvernail et fuit avec soixante voiles ; — à le voir, mes yeux se sont aveuglés (20).
Entre Scarus.
SCARUS.

À nous, dieux et déesses, — et tout le céleste synode !

ÉNOBARBUS.

D’où vient ton émotion !

SCARUS.

— Le plus beau tiers du monde est perdu — par pure ineptie ! Nous avons perdu en baisers — des royaumes et des provinces.

ÉNOBARBUS.

Quel aspect présente le combat ?

SCARUS.

De notre côté, tous les signes de la peste — qui précèdent la mort ! Cette monture à ribaud, cette rosse d’Égypte, — que la lèpre l’étouffe ! Au milieu de la bataille, — quand les deux chances étaient comme des jumelles — du même âge, si même la nôtre n’était l’aînée, — je ne sais quel taon la pique ainsi qu’une vache en juin ! — Elle déploie les voiles et s’enfuit !

ÉNOBARBUS.

J’en ai été témoin : mes yeux, — malades de ce spectacle, n’ont pu l’endurer — plus longtemps.

SCARUS.

Une fois qu’elle a viré de bord, — la noble victime de sa magie, Antoine, — secoue ses ailes marines, et, comme un canard éperdu. — vole après elle, laissant la bataille au plus fort de l’action. — Je n’ai jamais vu une affaire si honteuse ; — l’expérience, l’énergie, l’honneur n’ont jamais — attenté ainsi à eux-mêmes.