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ANTOINE ET CLÉOPÂTRE.

ANTOINE.

— Avril est dans ses yeux ; c’est le printemps de l’amour, — et voici les averses qui l’inaugurent… Consolez-vous !

OCTAVIE, à César.

— Seigneur, soyez bienfaisant à la maison de mon mari et…

CÉSAR.

Quoi, — Octavie ?

OCTAVIE.

Je vais vous le dire à l’oreille.

Elle s’entretient tout bas avec son frère.
ANTOINE.

— Sa langue ne veut pas obéir à son cœur, et son cœur — ne peut pas animer sa langue. C’est le duvet du cygne — qui flotte sur la vague au plus fort de la marée — et n’incline d’aucun côté.

ÉNOBARBUS, bas, à Agrippa.

— César pleurera-t-il ?

AGRIPPA.

Il a un nuage sur la face.

ÉNOBARBUS.

— Il serait cheval que cette tache le défigurerait ; — à plus forte raison, un homme.

AGRIPPA.

Bah, Énobarbus ! — Lorsque Antoine reconnut Jules César mort, — il poussa presque des rugissements, et il pleura — lorsqu’à Philippes il reconnut Brutus tué.

ÉNOBARBUS.

— C’est que cette année-là il était tourmenté d’un gros rhume : — il se lamentait sur ce qu’il avait volontairement anéanti. — Croyez à ses larmes quand je pleurerai moi-même.