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SCÈNE X.

CLÉOPÂTRE.

— Pour une femme, autant jouer avec un eunuque — qu’avec une femme…

À Mardian.

Allons, voulez-vous jouer avec moi, messire ?

MARDIAN.

Aussi bien que je puis, madame.

CLÉOPÂTRE.

— Et dès que le bon vouloir est démontré, il a beau être insuffisant, — l’acteur a droit au pardon… Mais non, je ne veux plus… — Donnez-moi ma ligne. Nous irons au fleuve ; là, — ma musique jouant au loin, j’amorcerai — des poissons aux fauves nageoires ; mon hameçon recourbé percera — leurs visqueuses mâchoires ; et, à chaque poisson que j’enlèverai, — je m’imaginerai que c’est un Antoine, — et je dirai : Ah ! ah ! vous êtes pris !

CHARMION.

L’amusante journée — où vous fîtes ce pari à qui pécherait le plus, et où votre plongeur — accrocha à l’hameçon d’Antoine un poisson salé — qu’il retira avec transport ! (10)

CLÉOPÂTRE.

Ce temps-là ! oh ! quel temps ! — Je me moquai de lui, à lui ôter la patience ; et, le soir venu, — je me moquai de lui à la lui rendre ; le lendemain matin, — avant neuf heures, je le restituai, ivre, à son lit ; — puis je le couvris de mes robes et de mes manteaux, tandis que — je portais son épée de Philippes.

Entre un messager.
CLÉOPÂTRE.

Oh ! d’Italie !… — Entasse tes fécondes nouvelles dans mon oreille — longtemps stérile.