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LES JALOUX.

tyran Macbeth à la main sanglante et jamais lavée… Brutus et Marcius devront rester muets à l’avenir, car jamais ton pareil ne viendra sur notre scène… Tout son jeu, Richard le transportait aisément du vieux Lear au jeune Périclès. Mais n’oublions pas le rôle principal où, plus que dans tout autre, il émouvait le cœur : le malheureux More qui, rendu jaloux par un misérable, envoyait sa femme remplir une tombe prématurée et puis se poignardait sur le lit sanglant. Tous ceux-là, et bien d’autres, sont morts avec lui. »

Nous savons que Burbage jouait Othello ; nous savons qu’il obtenait, en le jouant, son plus grand succès ; mais comment le jouait-il ? La tradition ne nous a légué sur ce point aucun renseignement. Et d’abord, pour ne parler que du côté extérieur du rôle, quel costume avait-il ? Portait-il, comme les cheicks africains, le burnous et le turban ? Ou, ce qui semble beaucoup plus logique, était-il censé avoir répudié l’habit des musulmans en abjurant leur foi ; et, mahométan converti, se présentait-il, comme général vénitien, dans l’uniforme indiqué par Paul Jove, ayant sur sa cuirasse la simarre de drap d’or et tenant à la main le bâton d’argent surmonté du lion de Saint-Marc ?

Autre question bien plus importante. Comment Burbage était-il grimé ? Avait-il la face noire ou seulement basanée ? Quel teint Shakespeare avait-il choisi pour son Africain, le teint de l’Arabe ou le teint du Cafre ? Ce sujet a été discuté longuement dans l’ancien et dans le Nouveau-Monde ; il a donné lieu à des volumes de commentaires ; il a soulevé les controverses aux État-Unis, en Angleterre et en Allemagne, et divisé la critique en deux camps. La majorité, qui compte dans ses rangs deux hommes considérables, John Quincy Adams, quatrième successeur de Washington, et William Schlegel,