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EXTRAIT DU DÉCAMÉRON DE BOCCACE.

dan qu’il avait fait celle du Catalan. Parquoi advint par succession de temps, qu’en certaine saison de l’année en laquelle il se faisait en la ville d’Acre, qui était sous la sujétion du soudan, une grande assemblée de marchands chrétiens et sarrasins, comme si c’eût été une foire où le soudan avait de coutume, afin que les marchands et les marchandises fussent en sûreté, d’envoyer outre ses officiers ordinaires, aucun des siens plus grands amis avec des gens qui eussent la charge de la garde ; quand le temps fut venu, il délibéra d’y envoyer Sicuran, qui savait déjà parfaitement la langue, et ainsi se fit-il.

Quand donc Sicuran fut venu à Acre, seigneur et capitaine de la garde des marchands et de la marchandise, y faisant bien et soigneusement ce qui appartenait à son office, allant et regardant çà et là, il y vit plusieurs marchands siciliens, pisans, génois, vénitiens et autres italiens, desquels il s’apprivoisait volontiers, en souvenance de son pays. Or, advint une fois entre autres qu’étant lui descendu en une boutique de Vénitiens, il y va voir entre autres joyaux une bourse et une ceinture qu’il connut soudainement avoir été siennes, dont il s’ébahit fort. Mais, sans faire autre semblant, demanda gracieusement à qui elles étaient, et si on les voulait vendre. Ambroise de Plaisance était venu avec beaucoup de marchandises sur un navire de Vénitiens, lequel oyant le capitaine de la garde demander à qui elles étaient, s’avança et dit en riant : — Monsieur, elles sont à moi, et ne veux point les vendre ; mais si elles vous plaisent, je vous les donnerai volontiers. Sicuran, le voyant rire, entra en soupçon si celui-ci ne l’avait point remarqué en quelque sien geste ; toutefois, avec un visage assuré, il lui dit : — Tu ris par aventure, parce que tu vois que moi qui suis homme de guerre, va ainsi demandant de ces vétilles à femme.

Ambroise répondit : — Monsieur, je ne ris point de