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APPENDICE.

le crois, aussi bien le fait-elle, et c’est par ainsi à qui mieux mieux. » Le troisième conclut quasi en cette même sentence, et à la fin il semblait que tous s’accordassent en ceci, que les femmes laissées de leurs maris ne voulussent point perdre de temps. Il y en eut un seulement, lequel avait nom Bernard Lomellin[1] de Gênes, qui dit le contraire, affirmant qu’il avait, par grâce spéciale de Dieu, une femme la plus accomplie que dame de chevalier ou écuyer qui fût par aventure dans toute l’Italie, parce qu’elle était de beau corsage, et encore fort jeune, adroite et agile de sa personne, et qu’il n’était aucune chose qui appartînt à femme, comme travailler d’ouvrages de soie et semblables choses, qu’elle ne fît mieux que nulle autre : et outre il disait qu’il ne se trouvait écuyer, ou serviteur comme nous le voudrions dire, qui mieux servît, ni plus adroitement à la table d’un seigneur qu’elle faisait, comme celle qui était de bonne grâce, sage et fort discrète ; après ceci, il la loua de savoir très-bien manier, piquer et chevaucher un cheval, porter un oiseau, et davantage, savait lire et écrire, et tenir un papier de raison, comme si elle eût été un marchand ; et de ceci, après plusieurs louanges, il tomba sur le propos que l’on devisait, affirmant par serment qu’on n’en saurait trouver une autre plus honnête et plus chaste qu’elle, au moyen de quoi il croyait certainement que, s’il demeurait dix ans, ou bien toute sa vie hors de la maison, elle n’entendrait jamais à telle méchanceté avec un autre homme.

Or, il y avait entre ces marchands qui ainsi devisaient un autre jeune marchand appelé Ambroise de Plaisance[2], qui commença à rire le plus fort du monde de cette dernière louange que Bernard avait donnée à sa

  1. Posthumus, dans Cymbeline.
  2. Iachimo