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OTHELLO.
ne le laissez pas sortir, — tuez-le plutôt. Moi, je cours après le fuyard, — car c’est un misérable damné !
Montano et Gratiano sortent.
OTHELLO.

Je ne suis même plus vaillant. — Le premier marmouset venu me prend mon épée ! — Mais de quel droit l’honneur survivrait-il à l’honnêteté ? — Que tout finisse à la fois !

ÉMILIA, d’une voix mourante.

Que présageait ta chanson, maîtresse ?… — Écoute ! Peux-tu m’entendre ? Je vais faire comme le cygne — et expirer en musique… Le saule ! Le saule ! Le saule !… — More, elle était chaste ; elle t’aimait, cruel More ! — Puisse mon âme n’aller à la béatitude que si je dis vrai ! — En disant ce que je pense, je meurs, je meurs !

Elle expire.
OTHELLO.

— J’ai une autre arme dans cette chambre : — c’est une épée d’Espagne trempée dans l’eau glacée. — Oh ! la voici.

S’avançant vers la porte.

Mon oncle, il faut que je sorte !

GRATIANO, du dehors.

— Si tu essayes, il t’en coûtera cher. — Tu n’as pas d’arme ; il faut te résigner forcément.

OTHELLO.

— Regarde-moi donc, et parle-moi ; — sinon, tout désarmé que je suis, je me jette sur toi.

Rentre Gratiano.
GRATIANO.

— Qu’y a-t-il ?

OTHELLO.

— Regardez ! j’ai une arme : — jamais meilleure épée