Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/363

Cette page a été validée par deux contributeurs.
359
SCÈNE XII.

DESDÉMONA.

Ah ! le ciel le sait.

ÉMILIA.

— Je veux être pendue si quelque éternel coquin, — quelque scélérat affairé et insidieux, — quelque maroufle flagorneur et fourbe n’a pas, pour obtenir quelque emploi, — imaginé cette calomnie ! Je veux être pendue si cela n’est pas.

IAGO.

— Fi ! Il n’existe pas un pareil homme : c’est impossible.

DESDÉMONA.

— S’il en existe un pareil, que le ciel lui pardonne !

ÉMILIA, avec véhémence.

— Que la potence l’absolve et que l’enfer lui ronge les os ! — Pourquoi monseigneur la traiterait-il ainsi ? Quel visiteur assidu reçoit-elle ? — En quel lieu ? à quel moment ?… Quelle apparence ? quelle vraisemblance ?… — Le More est abusé par quelque affreux manant, — par quelque grossier manant, par quelque drôle immonde. — Ô ciel, que ne dénonces-tu de tels misérables ! — Que ne mets-tu dans toute main honnête un fouet — pour chasser l’infâme, tout nu, à travers le monde, — de l’orient à l’occident !

IAGO, à Émilia.

Que les passants ne vous entendent pas !

ÉMILIA.

— Oh ! malédiction sur cet homme ! C’était quelque écuyer de même ordre — qui vous avait mis l’esprit à l’envers — et vous avait fait suspecter quelque chose entre le More et moi.

IAGO.

— Vous êtes une folle, allez !