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LES JALOUX.

gner par un mensonge. Comme Iachimo, il a une entrevue avec la femme dont il prétend faire sa maîtresse, et, comme Iachimo, il aborde celle-ci par une déclaration d’amour. Ici l’analogie des détails devient singulière.

Pour décider Denise à tromper son mari, Bérenger cherche à lui faire croire que son mari la trompe, et lui dit :

De Rome viens où j’ai laissé
Votre seigneur qui ne vous prise
Pas la queue d’une cerise ;
D’une garce il s’est accointé,
Qu’il a en si grande amitié
Qu’il ne sait d’elle départir.
Ce m’a fait de Rome partir
Pour vous l’annoncer et dire,
Car grand deuil en ai et grand ire.

Cet argument si puissant par lequel Bérenger tente de provoquer la rancune de Denise en blessant sa fierté, est précisément celui que Iachimo fait valoir auprès d’Imogène :

« Ô chère âme ! votre cause émeut mon cœur d’une pitié qui me fait mal. Une femme si belle qui, liée à un empire, grandirait du double le plus grand roi ! Être ainsi associée à des baladines payées sur vos propres coffres ! à de malsaines aventurières qui risquent toutes leurs infirmités contre l’or que la corruption peut prêter à la nature ! à une engeance gangrenée capable d’empoisonner même le poison ! Ah ! vengez-vous. »

Le rapport entre les deux situations continue. Denise, offensée et comme princesse et comme épouse, chasse Bérenger comme un manant :

Comment ! Bérengier, par votre âme !
Êtes-vous donc un si vaillant homme
Que venez jusqu’ici de Rome,
Pour me dire un tel langage !