Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/338

Cette page a été validée par deux contributeurs.
334
OTHELLO.
que affaire d’État, — et non une idée, une lubie jalouse — qui vous concerne.
DESDÉMONA.

— Malheureux le jour où cela serait ! Jamais je ne lui en ai donné de motif.

ÉMILIA.

— Mais les cœurs jaloux ne se payent pas de cette réponse ; — ils ne sont pas toujours jaloux pour le motif ; — ils sont jaloux, parce qu’ils sont jaloux. C’est un monstre — engendré de lui-même, né de lui-même.

DESDÉMONA.

— Que le ciel éloigne ce monstre de l’esprit d’Othello !

ÉMILIA.

— Amen, madame !

DESDÉMONA.

— Je vais le chercher… Cassio, promenez-vous par ici ; — si je le trouve bien disposé, je plaiderai votre cause, et je ferai tout mon possible pour la gagner.

CASSIO.

— Je remercie votre grâce.

Sortent Desdémona et Émilia.
Entre Bianca.
BIANCA.

— Dieu vous garde, ami Cassio !

CASSIO.

Vous dehors ! Quelle raison vous amène ? — Comment cela va-t-il, ma très-jolie Bianca ? — Sur ma parole, doux amour, j’allais à votre maison.

BIANCA.

— Et moi, j’allais à votre logis, Cassio. — Quoi ! tout une semaine loin de moi ! Sept jours et sept nuits ! — Cent soixante heures ! Et les heures d’absence d’un