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LES JALOUX.

et qui se fait fort d’attendrir Denise elle-même. Confiant dans la vertu de Denise, que pourtant il connaît à peine, Othon accepte le pari proposé et gage sa couronne d’Espagne contre les terres de Bérenger. Le séducteur se transporte sur-le-champ à Burgos, aborde Denise, qui le repousse ignominieusement, et de désespoir s’adresse à la suivante Eglantine, qu’il met dans ses intérêts. — Jusqu’ici, on le voit, l’action suit à peu près la même marche que dans le Roman de la Violette. Mais ici l’auteur du Miracle se trouvait embarrassé : il lui était difficile, malgré la licence de notre théâtre primitif, de nous montrer l’héroïne toute nue dans son bain, comme le romancier avait pu le faire. Il eut donc recours à un moyen plus conciliable avec la scène. Eglantine, complice de Bérenger, fait boire un narcotique à la reine d’Espagne ; et, tandis que Denise sommeille, elle observe sur sa personne un signe particulier qu’elle révèle en confidence à Bérenger. En même temps, elle remet à celui-ci l’os du pied d’Othon que Denise s’était engagée à garder si scrupuleusement. Muni de ces preuves, Bérenger fait une enjambée de Burgos à Rome, persuade à Othon qu’il a gagné le pari et est reconnu roi d’Espagne. Othon furieux jure d’occire sa femme et marche sur Burgos, la rapière au poing. Heureusement, un bourgeois plus charitable encore que le serpent du Roman de la Violette prévient Denise du danger qu’elle court. Dans ce péril suprême, la reine invoque la bonne Vierge, qui apparaît sur la scène, accompagnée de l’archange Gabriel, de l’archange Michel et de Mgr saint Jean, et conseille à Denise de se vêtir en écuyer, pour aller sous ce déguisement rejoindre son père à la cour de Grenade. Tandis que la reine s’enfuit, conformément au sage avis de la mère de Dieu, Othon, plus furieux que jamais de n’avoir pu massacrer sa femme, a l’indélicatesse de renier Dieu lui-même et de