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SCÈNE IV.

DESDÉMONA.

Hélas ! Elle ne parle pas !

IAGO.

Beaucoup trop, ma foi ! — Je m’en aperçois toujours quand j’ai envie de dormir. — Dame ! j’avoue que devant votre Grâce — elle renfonce un peu sa langue dans son cœur — et ne grogne qu’en pensée.

ÉMILIA.

Vous n’avez guère motif de parler ainsi.

IAGO.

— Allez, allez, vous autres femmes, vous êtes des peintures hors de chez vous, — des sonnettes dans vos boudoirs, des chats sauvages dans vos cuisines, — des saintes quand vous injuriez, des démons quand on vous offense, — des flâneuses dans vos ménages, des femmes de ménage dans vos lits.

DESDÉMONA.

— Oh ! fi ! calomniateur !

IAGO.

— Je suis Turc, si cela n’est pas vrai ; — vous vous levez pour flâner et vous vous mettez au lit pour travailler.

ÉMILIA.

— Je ne vous chargerai pas d’écrire mon éloge.

IAGO.

Certes, vous ferez bien.

DESDÉMONA.

— Qu’écrirais-tu de moi si tu avais à me louer ?

IAGO.

— Ah ! Noble dame, ne m’en chargez pas. — Je ne suis qu’un critique.

DESDÉMONA.

— Allons ! Essaye… On est allé au port, n’est-ce pas ?