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CYMBELINE.

IACHIMO, à Cymbeline.

— Tu veux me torturer si je ne révèle pas mon secret ; — eh bien, cette révélation doit être une torture pour toi.

CYMBELINE.

Comment ? pour moi !

IACHIMO.

— Je suis heureux qu’on me contraigne de déclarer — ce que je souffre tant de cacher. C’est par une infamie — que j’ai acquis cet anneau. Ce bijou était à Léonatus — que tu as banni, à ce Léonatus, je le dis, dût l’aveu te tourmenter — plus que moi-même, le plus noble seigneur qui ait jamais vécu — entre le ciel et la terre ! Veux-tu en savoir davantage, mon seigneur ?

CYMBELINE.

Oui, toute la vérité sur ceci.

IACHIMO.

— Ta fille, cette perfection — dont le souvenir fait saigner mon cœur et trembler — mes esprits coupables… Excusez-moi. Je me sens défaillir.

Il chancelle.
CYMBELINE.

— Ma fille ! que dis-tu ! Reprends tes forces. — J’aime mieux te laisser vivre tant que le voudra la nature, — que de te voir mourir avant que tu m’aies tout appris : fais un effort, l’homme, et parle.

IACHIMO.

— Il y a quelque temps… Maudite soit l’horloge — qui frappa cette heure !… C’était à Rome… Malheur — à cette maison-là !… Nous étions à table… Oh ! que — nos mets n’étaient-ils empoisonnés, ceux, du moins, — que je portai à mes lèvres ! Le bon Posthumus… — Que vous dirai-je ? il était trop bon pour la société — des hommes pervers, lui, le meilleur — parmi l’élite des