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barbe blanche — par cet acte patriotique. Le voilà en travers du défilé — avec deux jeunes gens, des gamins bien plus faits en apparence — pour jouer aux barres que pour faire un carnage pareil, — avec des figures bonnes pour le masque et bien plus blanches — que maint minois voilé par la coquetterie ou par la pudeur. — Notre homme défend le passage en criant aux fuyards : — Ce sont les cerfs de Bretagne qui meurent en fuyant, et non les hommes ! — Aux enfers les âmes qui reculent ! Arrêtez, — ou nous aussi nous sommes des Romains, et nous vous traitons — comme à la chasse, si vous vous échappez comme des bêtes. Rien ne peut vous sauver — qu’une intrépide volte-face : halte ! halte ! Ces trois braves — agissent alors comme trois légions ; — car trois combattants font un front de bataille dans une position — qui empêche les autres de donner. Avec ce seul mot : halte ! halte ! — que le lieu même a déjà fait si opportun et que rend plus magique — leur intrépidité, qui changerait — une quenouille en lance, ils font rayonner les plus blêmes visages, — en y ranimant à la fois la honte et l’ardeur. Ceux qui n’étaient devenus lâches — que par l’exemple (oh ! en guerre, — les seuls à condamner sont les premiers coupables) se mettent à regarder — le terrain perdu et à jurer comme des lions — contre les piques des chasseurs. Alors commence — parmi les assaillants un temps d’arrêt, puis une retraite, — enfin la déroute, désastreuse confusion. Les voilà qui courent — comme des poulets, là même où ils s’étaient abattus en aigles, et qui refont, esclaves, — les enjambées qu’ils avaient faites, victorieux. Aussitôt nos lâches — (comme des provisions de rebut à la fin d’une rude traversée deviennent — d’une utilité capitale) dès qu’ils ont trouvé la porte ouverte — pour tomber sur des gens désarmés, ciel ! avec quelle ardeur ils frappent, — ici sur des tués, là sur des mourants,