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SCÈNE XXII.
D’ailleurs, le roi — n’a mérité ni mes services ni votre amour. — C’est mon exil qui vous a privés d’éducation, — voués à cette vie dure et empêchés pour toujours — d’avoir les priviléges promis par votre berceau, — victimes à jamais hâlées des étés brûlants, — à jamais frissonnantes des hivers !
GUIDÉRIUS.

Mieux vaut cesser d’exister — qu’exister ainsi. Rejoignons l’armée, monsieur. — Moi et mon frère, nous ne sommes pas connus, et vous-même, — si loin de la pensée de tous, si changé par l’âge, — vous êtes à l’abri des questions.

ARVIRAGUS.

Par ce soleil qui brille, — j’irai, moi. Quelle chose humiliante que je n’aie jamais — vu mourir un homme ! C’est à peine si j’ai regardé d’autre sang — que celui des lièvres effarés, des chèvres en chaleur et de la venaison… Jamais je n’ai monté qu’un cheval, et encore, — cavalier primitif, je n’ai jamais porté de pointe ni de fer au talon. Je suis honteux, — quand je regarde le soleil sacré, de jouir — de ses rayons bienfaisants, en restant — si longtemps un pauvre inconnu.

GUIDÉRIUS.

Par le ciel, j’irai aussi, moi !

À Bélarius.

— Si vous voulez me bénir, seigneur, et me donner ma liberté, — je défendrai vaillamment ma vie ; mais si vous ne le voulez pas, — que les conséquences de ce refus retombent sur moi — de la main des Romains !

ARVIRAGUS.

J’en dis autant. Ainsi soit-il !

BÉLARIUS.

— Il n’y a pas de raison, puisque vous faites — si peu de cas de votre vie, pour que je prenne — plus de souci