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CYMBELINE.

BÉLARIUS.

— Je ne puis en convenir. Il y a longtemps que je ne l’ai vu, — mais le temps n’a altéré en rien les traits que sa physionomie — avait alors : ce sont justement les mêmes saccades de voix, — les mêmes éclats de parole. — Je suis sûr que c’était Cloten.

ARVIRAGUS.

C’est ici que nous les avons laissés. — Je souhaite que mon frère vienne à bout de lui ; — vous dites qu’il est si farouche.

BÉLARIUS.

Je veux dire qu’avant même d’être — un homme fait, il n’avait pas peur — des rugissements du danger, parce qu’il lui manquait le jugement — qui souvent est cause de la frayeur… Mais vois donc : ton frère !

Guidérius revient, portant la tête de Cloten.
GUIDÉRIUS.

— Ce Cloten était un niais, une bourse vide ; — pas une obole dedans ! Hercule lui-même — n’aurait pas pu lui broyer la cervelle, car il n’en avait pas. — Et dire que, si je n’avais pas fait cela, le niais eût porté — ma tête comme je porte la sienne !

BÉLARIUS.

Qu’as-tu fait ?

GUIDÉRIUS.

— Je sais parfaitement quoi : j’ai coupé la tête d’un certain Cloten, — se disant fils de la reine, — qui me traitait de traître, de montagnard, et qui jurait — que, seul, de sa main il nous empoignerait tous, — arracherait nos têtes de la place où, grâce aux dieux ! elles sont encore, — et les planterait sur les murs de la ville de Lud.