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SCÈNE XVI.

CLOTEN.

Veux-tu me servir ? Puisque tu es resté si patiemment, si constamment attaché à la maigre destinée de ce mendiant de Posthumus, certainement, dans une carrière moins ingrate, tu seras pour moi un agent zélé. Veux-tu me servir ?

PISANIO.

Volontiers, seigneur.

CLOTEN.

Donne-moi ta main : voici ma bourse. As-tu en ta possession quelques vêtements de ton ancien maître ?

PISANIO.

Oui, monseigneur. J’ai à mon logement l’habillement même qu’il portait quand il prit congé de ma dame et maîtresse.

CLOTEN.

Pour premier service, va me chercher cet habillement ; que ce soit ton premier service ! Va.

PISANIO.

J’obéis, monseigneur.

Il sort.
CLOTEN, seul.

Oui, j’irai te rejoindre à Milford-Haven… J’ai oublié de lui demander une chose, je m’en souviendrai tout à l’heure… C’est là, misérable Posthumus, que je te tuerai… Je voudrais que cet habillement fût arrivé… Elle m’a dit un jour (j’en ai encore l’amertume sur le cœur !) qu’elle faisait plus de cas du moindre vêtement de Posthumus que de ma noble personne, avec toutes les qualités qui l’ornent. Eh bien, c’est sous les vêtements de Posthumus que je veux la violer. Je commencerai par le tuer, lui, sous ses yeux : alors elle verra ma valeur, et ce sera le supplice de ses mépris. Lui une fois à terre, quand j’aurai achevé sur son cadavre ma tirade d’insultes, enfin, quand j’aurai fait dîner ma luxure (ce que,