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CYMBELINE.

BÉLARIUS.

— Maintenant, à nos jeux montagnards ! Sus à ces hauteurs, — vous dont les jambes sont jeunes : moi, je foulerai ces plateaux. Remarquez bien, — quand vous m’apercevrez d’en haut petit comme un corbeau, — que c’est la place qui amoindrit l’homme ou le grandit ; — et vous pourrez alors réfléchir aux récits que je vous ai faits — des cours, des princes, des intrigues des camps, — où le service n’est pas service parce qu’il est rendu, — mais parce qu’il passe pour l’être. Cette conviction — nous fait tirer profit de tout ce que nous voyons ; — et, souvent, pour notre consolation, nous trouverons — que l’escarbot à l’aile d’écaille est mieux abrité — que l’aigle à la vaste envergure. Oh ! il y a dans notre existence — plus de noblesse qu’à solliciter l’humiliation ; — plus de richesse qu’à vivre oisifs de concussions ; — plus de fierté qu’à se pavaner sous la soie qu’on n’a pas payée ! — Bon nombre reçoivent le salut de celui qui les rend beaux, — mais restent à jamais inscrits sur ses livres ; ce n’est pas une vie qui vaille la nôtre !

GUIDÉRIUS.

— Vous parlez par expérience : nous, pauvres petits sans ailes, — nous n’avons jamais volé hors de la vue du nid ; nous ne savons pas — quel air souffle loin du logis. Peut-être cette vie-ci est-elle la plus heureuse, — si la vie tranquille est le bonheur : elle est plus douce pour vous, — qui en avez connu une plus rude ; elle convient — à votre âge roidi ; mais pour nous, c’est — un cloître d’ignorance, un voyage dans un lit, — c’est la prison d’un débiteur qui n’ose pas — enjamber la limite.

ARVIRAGUS.

De quoi pourrons-nous parler — quand nous serons vieux comme vous ? Lorsque nous entendrons — la pluie et le vent battre le noir Décembre, de quoi, — pincés