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SCÈNE IX.

CLOTEN.

— Vous abandonner à votre folie furieuse ! Ce serait un crime à moi : — je ne le ferai pas.

IMOGÈNE.

Les niais ne sont pas furieux, eux !

CLOTEN.

Est-ce moi que vous traitez de niais ?

IMOGÈNE.

— Oui, si je suis folle ; — soyez patient, je ne serai plus furieuse : — cela nous guérira tous deux. Je suis désolée, monsieur, — que vous me fassiez oublier les manières d’une femme — pour vous parler sur ce ton. Sachez une fois pour toutes — ce que moi, qui connais mon cœur, je vous déclare ici — en toute franchise : je ne me soucie pas de vous ; — et même la charité me manque à ce point — (je m’en accuse) que je vous hais ! Je regrette que vous ne l’ayez pas — senti. Vous ne m’auriez pas forcée à m’en vanter.

CLOTEN.

Vous péchez — contre l’obéissance que vous devez à votre père. Car — le contrat que vous prétendez avoir fait avec ce misérable, — (un drôle élevé d’aumônes et nourri des restes, — des miettes de la cour !) ce contrat n’en est pas un. — Libre aux petites gens — (et qui donc est au-dessous de lui ?) d’unir des existences — qui ne produisent que marmaille et misère, par un lien noué à leur guise ; — mais cette licence vous est interdite, à vous, — par les exigences de la couronne ; et vous ne pouvez pas en souiller — le précieux éclat au contact d’un vil maraud, — d’une espèce à livrée, d’une étoffe à écuyer, — d’un mitron de bas étage !

IMOGÈNE.

Profane drôle ! Quand tu serais le fils de Jupiter sans être, — d’ailleurs, autrement doué que tu ne l’es, tu se-