Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 5.djvu/117

Cette page a été validée par deux contributeurs.
113
SCÈNE VI.
ils fous ? La nature leur a donné des yeux — pour contempler l’arche des cieux et les riches trésors — de la terre et de la mer ; des yeux qui ne confondent pas — les globes enflammés du firmament avec les pierres jumelles — dont la plage est couverte ; et nous ne pouvons pas, — aidés d’organes aussi parfaits, faire la distinction — entre le beau et le laid ?
IMOGÈNE.

D’où vient votre stupéfaction ?

IACHIMO.

— Ce n’est pas la faute du regard, car des singes même, placés entre deux femelles, jacasseraient avec la jolie et — repousseraient la vilaine avec des grimaces ; — ni du jugement ; car un idiot, placé dans une pareille alternative, — ferait le bon choix ; ni de l’appétit ; — car une sale laideur, mise en face d’une aussi pure beauté, — ferait vomir le vide au désir, — avant qu’il fût tenté d’y goûter !

IMOGÈNE.

— Que voulez-vous dire ?

IACHIMO.

La luxure blasée elle-même, — ce désir assouvi, mais jamais satisfait, — qui fuit à mesure qu’il s’emplit, commence par dévorer — l’agneau sans tache, avant de rechercher l’ordure.

IMOGÈNE.

Cher monsieur, — quel transport vous saisit ? Vous sentez-vous bien ?

IACHIMO.

— Merci, madame : très-bien.

À Pisanio.

Je vous en supplie, monsieur, veuillez dire — à mon écuyer de m’attendre où je l’ai laissé : il est — ici tout étranger et fort timide.