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CYMBELINE.
compatriote. C’eût été grand dommage que vous vous fussiez rencontrés l’un l’autre, avec des intentions aussi mortelles, pour une affaire d’une si futile, d’une si triviale nature.
POSTHUMUS.

Pardon, monsieur, j’étais alors un jeune voyageur ; j’aimais mieux agir contrairement à l’opinion des autres que me laisser guider par leur expérience dans chacune de mes actions ; mais maintenant que mon jugement s’est formé (ceci soit dit sans offenser personne), je déclare que ma querelle n’était nullement futile.

LE FRANÇAIS.

Ma foi si ! elle l’était trop pour être soumise à l’arbitrage des épées, surtout par deux hommes dont l’un, selon toute vraisemblance, eût abattu l’autre, ou qui auraient succombé tous deux.

IACHIMO.

Pouvons-nous, sans indiscrétion, vous demander le sujet du différend ?

LE FRANÇAIS.

Nul inconvénient, je pense. La querelle ayant été publique, peut être racontée sans que nul s’en formalise. C’était à peu près la même discussion qui eut lieu hier soir, quand chacun de nous fit l’éloge des belles de son pays. En ce temps-là, ce cavalier soutenait (et était prêt à signer son affirmation avec du sang) que sa maîtresse était plus belle, plus vertueuse, plus sage, plus chaste, plus fermement constante, et plus inattaquable que la plus rare de nos dames de France.

IACHIMO.

Sans doute cette dame ne vit plus aujourd’hui, ou bien l’opinion de ce gentilhomme doit être, à l’heure qu’il est, modifiée.