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TROYLUS ET CRESSIDA.

CRESSIDA.

Elle ne lui siérait pas ; la sienne lui va mieux.

PANDARUS.

Vous n’avez pas de jugement, ma nièce. Hélène elle-même jurait l’autre jour que Troylus, pour un brun, car il a le teint brun, je dois l’avouer, mais pas trop brun !…

CRESSIDA.

Non, il l’a tout simplement brun.

PANDARUS.

À vrai dire, il est brun sans être brun.

CRESSIDA.

À vrai dire, c’est vrai sans être vrai.

PANDARUS.

Bref, elle mettait son teint au-dessus de celui de Pâris.

CRESSIDA.

Pourtant, Pâris a assez de couleurs.

PANDARUS.

Certainement.

CRESSIDA.

Alors Troylus en aurait trop. Si elle l’a mis au-dessus de Pâris, c’est qu’il a le teint plus haut en couleurs. Pâris ayant assez d’éclat, s’il en a davantage, cela fait de son teint un éloge trop flambant. Autant vaudrait que la langue dorée d’Hélène eût vanté Troylus pour son nez de cuivre.

PANDARUS.

Je vous jure que je crois qu’Hélène l’aime plus que Pâris.

CRESSIDA.

Elle est donc bien gaie, cette Grecque-là ?

PANDARUS.

Oui, je suis sûr qu’elle l’aime. L’autre jour, elle est venue à lui dans l’embrasure de la fenêtre, et vous savez