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PANDOSTO OU LE TRIOMPHE DU TEMPS.

Capnio leur expliqua tout, en leur disant comment Porrus allait faire sa plainte au roi si par un stratagème il ne l’avait empêché, et ajouta que, puisqu’il était à bord, le mieux était de l’emmener en Italie, pour éviter de nouveaux dangers. Dorastus approuva le conseil ; et, malgré les protestations de Porrus, les marins, ayant hissé leur grande voile, levèrent l’ancre et gagnèrent le large… La fortune, souriant au jeune prince, lui envoya une brise si favorable que, pendant un jour et une nuit, les matelots dormirent sur le pont ; mais le lendemain matin le ciel se couvrit, le vent s’éleva, la mer s’enfla, et il s’éleva une tempête si terrible que le navire fut en danger d’être englouti à chaque vague… Le grand mât fut brisé, les voiles furent déchirées… La tempête continua trois jours, pendant lesquels les marins attendaient la mort à toute minute. Mais le quatrième jour, vers dix heures, le vent cessa, la mer devint calme, le ciel s’éclaircit, et les marins ayant reconnu la côte de Bohême, firent feu de toute leur artillerie en réjouissance d’avoir échappé à une si terrible tempête. Dorastus, apprenant qu’on était arrivé dans un havre, embrassa tendrement Fawnia, et lui fit reprendre courage : mais, quand on lui dit que le port appartenait à la capitale de la Bohême où Pandosto tenait sa cour, Dorastus s’en affligea, se rappelant que son père ne haïssait aucun homme autant que Pandosto, et que ce roi avait essayé secrètement de perdre Egistus ; il était à demi-effrayé d’aller à terre, mais Capnio lui conseilla de dissimuler son nom et sa patrie jusqu’à ce qu’on se fût procuré un autre navire qui pût les transporter en Italie. Dorastus, approuvant cet avis, mit les marins dans la confidence, et, les récompensant généreusement de leurs peines, leur commanda de dire qu’il était un gentilhomme de Transpologne nommé Méléagrus. Les matelots promirent de garder le