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APPENDICE.

drait berger : vois, j’ai fait la métamorphose ; accorde-moi donc mon désir. — C’est vrai, dit Fawnia, mais l’habit ne fait pas le moine : les aigles peints sont des peintures, et non des aigles. Les grappes de Zeuxis n’étaient des grappes qu’en apparence… Ce costume n’a pas fait Dorastus berger, mais seulement tel qu’un berger. — Ah ! Fawnia, répliqua Dorastus, je serais berger que je t’aimerais de même, et, tout prince que je suis, je suis forcé de t’aimer. Prends garde, Fawnia, ne sois pas trop fière des couleurs de la beauté, car c’est une fleur qui se fane à peine épanouie. Si mes désirs étaient illégitimes, tu pourrais me repousser avec raison ; mais je t’aime, Fawnia, non pour faire de toi ma concubine, mais pour faire de toi ma femme ! » En entendant cette solennelle protestation, Fawnia ne résista plus à l’assaut, mais elle livra la forteresse en ces termes attendris. « Ah ! Dorastus, je n’ose dire que je t’aime, puisque je ne suis qu’une bergère ; mais les dieux savent (pardon si ce que je dis est mal) que j’ai honoré Dorastus, oui, et que je l’ai aimé de la plus respectueuse affection que puisse éprouver Fawnia ou désirer Dorastus. Je cède, vaincue, non par les prières, mais par l’amour, restant, pour Dorastus une servante prête à faire sa volonté, si elle ne porte aucun préjudice ni à sa dignité ni à mon honneur ! »

En entendant cette aimable conclusion, Dorastus serra Fawnia dans ses bras, jurant que ni la distance, ni le temps, ni la fortune contraire, ne diminueraient son affection. Dès qu’ils eurent ainsi engagé leur foi l’un à l’autre, Dorastus, comprenant que jamais Egistus ne consentirait à un mariage aussi misérable, se détermina à l’emmener en Italie, où tous deux vivraient heureux jusqu’au temps où il serait réconcilié avec son père ou appelé à lui succéder. Ce projet fut grandement approuvé de Fawnia ; et une fois d’accord sur ce point,