Page:Shakespeare - Œuvres complètes, traduction Hugo, Pagnerre, 1868, tome 4.djvu/532

Cette page a été validée par deux contributeurs.
528
APPENDICE.

par scrupule de conscience, soit afin de repousser pour la forme une si sanguinaire requête, essaya par de grandes raisons de dissuader Pandosto, lui montrant quelle offense le meurtre était envers les dieux. Mais les conseils de Franion[1] (c’est ainsi qu’il s’appelait) ne purent détourner le roi de sa diabolique entreprise. Il accabla son homme des plus amers reproches, et lui dit que s’il voulait empoisonner Egistus, il l’elèverait à de hautes dignités, tandis que, s’il persistait dans son obstination, aucune torture ne serait trop grande pour punir sa désobéissance. Si bien que Franion, jugeant inutile de lutter contre le courant, consentit à dépêcher Egistus à la prochaine occasion : ce dont Pandosto resta quelque peu satisfait, résolu d’ailleurs, aussitôt qu’Egistus serait mort, de donner à sa femme une soupe de la même sauce, et de se débarrasser ainsi de ceux qui lui causaient cette incessante douleur… Franion, voyant qu’il lui fallait mourir avec une âme pure ou vivre avec une conscience souillée, prit enfin le parti de révéler la chose à Egistus. Un soir, il alla au logement d’Egistus, sous prétexte de l’entretenir de certaines affaires qui touchaient le roi, et, quand tous eurent été congédiés de la chambre, il lui déclara toute la conspiration que Pandosto avait ourdie contre lui… Egistus n’eut pas plutôt entendu ce récit que la frayeur le fît trembler de tous ses membres, s’imaginant qu’il y avait quelque trahison là-dessous, et que Franion dissimulait sa ruse sous de fausses couleurs, il se mit en grande colère, et dit qu’il ne doutait pas de Pandosto, puisqu’il était son ami, et que jamais il n’y avait eu aucune rupture de leur amitié : il n’avait pas cherché à envahir ses terres, à conspirer avec ses ennemis, à dissuader ses sujets de leur

  1. Camillo.