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APPENDICE.

sirant accroître leur bonheur, leur prêta un fils tellement embelli des dons de la nature que sa perfection augmenta l’amour de ses parents et la joie des communes. Ce jeune enfant fut appelé Garinter[1] et nourri dans le palais… Bientôt envieuse d’un si heureux succès, désirant donner quelques signes de son inconstance, la Fortune tourna sa roue et assombrit le brillant soleil de leur prospérité sous les nuages du malheur et de la misère. Car il arriva qu’Égistus[2], roi de Sicile, qui dans sa jeunesse avait été élevé avec Pandosto, désireux de montrer que ni aucun espace de temps, ni aucune distance de lieu ne pouvait diminuer leur amitié première, fréta une escadre de navires et fit voile vers la Bohême pour visiter son vieux camarade. À la nouvelle de son arrivée, celui-ci alla en personne, accompagné de sa femme Bellaria et d’un grand cortége de seigneurs et de dames, à la rencontre d’Egistus ; dès qu’il l’aperçut, il descendit de cheval, l’embrassa très-tendrement, et pria sa femme de faire fête à son vieil ami. Celle-ci (pour montrer qu’elle avait pour agréables ceux qu’aimait son mari) accueillit Egistus avec une courtoisie si familière que le roi de Sicile ne douta plus d’être le bienvenu. Après qu’ils se furent salués et embrassés, ils remontèrent à cheval et chevauchèrent vers la cité, devisant et se racontant les tendres passe-temps dans lesquels ils avaient passé leur enfance… Après avoir traversé les rues de la ville, ils arrivèrent au palais où Pandosto entretint Egistus et ses Siciliens dans de somptueux banquets. Bellaria, qui dans son temps était la fleur de la courtoisie, voulant montrer son amour pour son mari par ses prévenances envers ses amis, traitait Egistus assez

  1. Mamilius.
  2. Polixène.