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CINQUANTE-SIXIÈME HISTOIRE TRAGIQUE.

homme de sa troupe, je ferai que vous-même verrez et le lieu où il entre, et comme il s’arrête dedans à son aise. « Pensez si le seigneur de Cardone fut étonné oyant une parole si dur ; ayant discouru longtemps en son esprit, vaincu de juste douleur (comme il lui semblait), il répondit au galant en cette sorte : « Mon ami, quoique ces nouvelles me soient fort déplaisantes, si est-ce que je ne dois ni ne peux faire autrement que de bon cœur, je ne vous en remercie, puisque par effet vous me montrez en quel égard je vous suis, et combien vous prisez mon honneur et réputation. Puisque de votre bon gré vous vous êtes offert à me faire voir ce que jamais je n’eusses osé imaginer, je vous prie, par cette amitié qui vous a induit à m’aviser de cette trahison, que franchement vous accompagniez ce votre ami jouissant, car je vous jure la foi de chevalier que je ne vous donnerai nuisance ni destourbier aucun, mais tiendrai la chose aussi secrète que les plus cachés conseils de mon âme. » Le courtisan dit alors au comte : « S’il vous plaît donc, Monsieur, vous ne faillirez de vous trouver sur les onze heures du soir près le logis de messer Lionato, tout joignant ces ruines qui sont vis-à-vis de son jardin, et vous y tiendrez au guet : vous assurant que de ce lieu en avant vous ferez découverte de ce quoi je vous ai donné avis. »

Or, de ce côté répondait une face du corps de logis du beau-père de Timbrée, où il y avait une salle antique en laquelle ni en tout ce corps de logis personne n’habitait point : et en la salle avait des fenêtres répondantes, et sur la rue, et sur le jardin, où souvent de jour Fénicie venait prendre l’air, car d’autre licence de se promener n’avait-elle point : et ces fenêtres demeuraient toujours ouvertes, à cause que ce côté de maison était inutile. Le courtisan s’en alla vers Gironde, lui faisant récit de