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LE ROMAN DE TROYLUS.

chose bien vraisemblable. Que ferai-je, mon ami ? Si vous voyez aucunement en quelle façon je puisse connaître la vérité de mon songe, je vous prie pour Dieu que vous me le dites, car j’ai le cerveau si troublé que ne le saurais voir. » Auquel Pandaro dit : « Selon mon opinion, il me semble que cette chose se devrait essayer par lettres que vous lui écrirez. Écrivez-lui donc si vous m’en croyez, afin que nous voyions clairement ce que vous allez cherchant. » Troylus crut le conseil de Pandaro, et demanda une écritoire et du papier ; et, quand il eut un peu pensé, commença à faire sa lettre. Puis il la scella et bailla à Pandaro pour l’envoyer à Brisaïda, Mais pour néant attendirent par plusieurs jours la réponse, dont la douleur recommençait de plus belle… Ainsi était Troylus en grand tourment de ses amours. Si advint un jour qu’il y eut une fière et dure rencontre entre les Troyens et les Greux, à laquelle fut Dyomèdes richement habillé, et avait sur son harnais une riche cotte, laquelle Deiphobus gagna ce jour par force d’arme. Ainsi comme Deiphobus entrait en la ville et qu’on lui portait cette cotte qu’il avait ôtée à Dyomèdes, Troylus survint, lequel approcha de celui qui la portait pour la voir mieux. Et ainsi comme il regardait d’un côté et d’autre, il vit un fermail d’or qui y était attaché, lequel on pouvait voir et ôter de la dite cotte. Il le connut tout incontinent comme celui qu’il avait donné à Brisaïda à l’heure qu’avec grande douleur il prit congé d’elle, le matin dont ils avaient été la dernière nuit ensemble. Et alors dit Troylus à part soi : « Or, vois-je maintenant mon songe clairement, mon soupçon et mes pensements vrais. » Puis se partit Troylus moult dolent et courroucé pour aller dans sa chambre. Et quand il y fut, il envoya quérir Pandaro. Et quand Pandaro y fut venu, Troylus se commença à plaindre fort de la longue et loyale