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APPENDICE.

à faire ce qu’il vous plaira me commander, comme votre humble et loyal serviteur. » Et plus ne dit et s’en partit. Il était grand et belle personne, jeune, frais et très-plaisant et hardi à merveille, et aussi beau parleur comme nul pourrait être, lesquelles choses Brisaïda allait pensant, malgré toutes ses douleurs, et de ceci vint l’occasion par quoi elle ne tint la promesse qu’elle avait faite.

Le tiers, le quart et le cinquième jour passèrent depuis que les dix jours furent passés ; et avait encore Troylus en espérance qu’elle dût retourner et en soupirant l’attendait ; mais c’était pour néant, car elle ne retournait point. Il était l’un jour plus mélencolieux que l’autre et qu’il n’avait accoutumé pour la foi faillie de sa dame, et ainsi plein d’ennui se mit à dormir Troylus, lequel en songeant vit la honteuse et très-déshonnête faute de celle qui le faisait languir. Car il lui semblait ouir par un fort bois un grand bruit déplaisant, pourquoi en levant la tête lui semblait voir un grand sanglier qui s’évertuait, et puis après lui semblait avoir entre ses pieds Brisaïda. Et Brisaïda ne tenait compte de chose qu’il lui fit, mais lui semblait qu’elle prenait grand plaisir à tout ce que le sanglier lui faisait. Laquelle chose vint à Troylus en si grand dépit qu’il s’en éveilla et rompit son sommeil. Et incontinent fit appeler Pandaro, et en pleurant lui commença à dire : « Pandaro, mon ami, il ne plaît pas à Dieu que je vive. Hélas ! votre cousine Brisaïda me trompe. » Et puis lui commença à conter tout son songe, et ainsi lui dit : « Ce sanglier que je voyais était Dyomèdes, pour ce que son aïeul tua le sanglier de Caldonia (Calydon) et ceci savons certainement par les anciens ; et oncques ne fût que tous les siens ne portassent les sangliers en leurs armes. Hélas ! malheureux que je suis ! il aura tiré le cœur de Brisaïda à lui par son doux parler ! Et ainsi à Dyomèdes son amour… Et c’est