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LE ROMAN DE TROYLUS.

oncques ne parla, dont il aperçut bien et connut l’amour des deux, et pourpensa en son cœur, avec divers arguments, essayer s’il en pourrait sentir quelque chose quand temps et lieu serait. Le père la reçut à grande joie. Et elle retenait sa grande douleur en elle-même, en ayant toujours son cœur ferme à son ami Troylus, mais il ne lui dura guère, car elle mua en bref son opinion et abandonna celui qui tant loyalement l’aime pour un nouvel amant.

Troylus comptait tous les jours qu’il y avait qu’elle était partie, ne pensait pouvoir joindre jusqu’au dixième jour qu’elle devait des Grecs retourner. Les jours et les nuits lui semblaient trop plus grands qu’ils n’avaient accoutumé ; ainsi se tenait depuis le point du jour jusqu’à ce que les étoiles étaient au ciel, et disait que le soleil errait et qu’il se tenait plus longuement au ciel qu’il ne soulait faire ; semblablement disait de la nuit, de la lune et des étoiles. La lune était déjà en décours quand Brisaïda partit : il disait souvent à lui-même : « Quand cette lune deviendra nouvelle, le jour s’approchera que ma joie devrait être recouverte.

Devers les Grecs, au rivage de la mer, était Brisaïda avec peu de femmes et entre tant de gens d’armes. Dyomèdes employait tous ses cinq sens naturels à faire chaque chose par quoi il pût entrer au cœur de Brisaïda, et ne tarda guère qu’il n’en chassât Troylus et Troie et tous les autres pensements qu’elle avait, fussent-ils loyaux. Elle n’avait pas demeuré quatre jours après l’angoisseux département que Dyomèdes trouva occasion de venir vers elle, lequel la trouva à part des autres toute seule soupirant, et premièrement s’assit auprès d’elle et lui commença à parler de l’âpre guerre qui entre eux était et les Troyens : « Gente dame, si j’ai bien regardé votre doux visage, lequel est plus plaisant que nul