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LES JALOUX.

des ambassadeurs ; les ordres sont donnés, et l’exécution va avoir lieu, lorsque le vieux Porrus, épouvanté à l’aspect de la hart, déclare qu’il a des révélations à faire. On l’a condamné à la potence, comme étant le père de Fawnia. Or, il n’est pas le père de Fawnia ! Stupéfaction générale. Le roi de Bohême veut savoir toute la vérité. Alors le berger explique dans les moindres détails comment il a trouvé et recueilli la jeune fille. À la fin de ce récit, que ses souvenirs confirment de point en point, Pandosto bondit de son trône et se précipite vers Fawnia, qu’il presse dans ses bras en criant : Ma fille ! ma fille ! L’émotion causée par cette reconnaissance imprévue est immense. De la cour elle se répand dans tout le royaume et se manifeste par des feux de joie. Seul le roi de Bohême fait exception à l’allégresse universelle par une mélancolie dont tous ses sujets s’affligent. Dès que les noces du prince de Sicile et de la princesse de Bohême ont été célébrées, cette mélancolie dégénère en désespoir, et Pandosto se tue de ses propres mains, — inconsolable d’avoir voulu violer sa propre fille.

Cette rapide analyse fait juger au premier coup d’œil toute la différence qui existe entre la nouvelle de Greene et le drame de Shakespeare. Pandosto contient deux actions bien distinctes : l’une commençant à la visite d’Egistus, cause première de la jalousie du roi de Bohême, et finissant à la mort d’Hermione, dernier effet de cette jalousie ; l’autre, ayant pour prologue la liaison de Doratus et de Fawnia, pour nœud la passion incestueuse de Pandosto, pour dénoûement le mariage des fiancés et la mort du roi. Ces deux intrigues, entièrement indépendantes l’une de l’autre, n’ont d’autre lien que celui d’une maladroite juxtaposition ; elles se suivent, mais elles ne se tiennent pas. En remaniant pour le théâtre la fable imaginée de Greene, Shakespeare lui a donné une cohésion qui lui