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LE CONTE D’HIVER.
Relève les yeux ! — Rayez-moi de votre succession, mon père !
À Perdita.

— J’hérite de ton amour ?

CAMILLO.

Écoutez les avis.

FLORIZEL.

— J’écoute ceux de mon affection ; si ma raison — veut s’y conformer, je serai raisonnable ; — sinon, ma passion, mieux satisfaite par la folie, — l’appellera à son aide.

CAMILLO.

C’est du désespoir, seigneur.

FLORIZEL.

— Soit ! mais ce désespoir comble mes vœux, — et je dois le tenir pour vertu. Camillo, — ni la Bohême, ni toutes les pompes que j’y pourrais — glaner, ni tout ce que le soleil voit, ni — tout ce que les mers profondes cachent — dans leurs abîmes inconnus, ne me feraient briser le serment — que j’ai fait à ma bien-aimée. Ainsi, je vous en prie, — vous qui avez toujours été l’ami vénéré de mon père, — dès qu’il s’apercevra de mon absence (car je suis bien décidé — à ne plus le revoir), jetez vos bons conseils — sur le feu de sa colère. La fortune et moi — nous allons lutter désormais. Apprenez, — et vous pourrez le lui redire, que je vais m’embarquer sur mer — avec celle qu’il m’est interdit de posséder sur ces rives ; — par une heureuse circonstance, j’ai — tout près d’ici un navire à l’ancre que j’avais fait préparer — dans un tout autre but. Quant à la route que je compte suivre, — il vous est inutile de la savoir, et — il ne me sert à rien de vous la dire.

CAMILLO.

Oh ! monseigneur, — je voudrais que votre esprit