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SCÈNE XI.
Votre fête des toisons — est comme une réunion de petits dieux — dont vous êtes la reine.
PERDITA.

Messire, gracieux seigneur, — il ne me sied pas de vous gronder de vos exagérations. — Oh ! pardonnez-moi pourtant de les dénoncer ; votre noble personne, — ce gracieux point de mire du pays, vous l’avez enfouie — sous les habits d’un pâtre ; et moi, pauvre fille chétive, — vous m’avez érigée en déesse. Heureusement nos fêtes — admettent la folie à leur repas, et les convives — la digèrent par habitude ; sans quoi je rougirais — de vous voir accoutré comme si vous aviez juré — de me rappeler par votre mise celle que je devrais avoir.

FLORIZEL.

Je bénis le moment — où mon bon faucon a pris son vol à travers — le champ de ton père.

PERDITA.

Puisse Jupiter vous donner raison ! — La différence entre nous est la cause de mon inquiétude ; votre grandeur — n’a pas été habituée à la crainte. En ce moment même je tremble — à l’idée que votre père, grâce à quelque hasard, — pourrait passer par ici, comme vous. Ô destins ! — quelle mine ferait-il en voyant son noble ouvrage — si misérablement relié ? Que dirait-il ? Et comment — pourrais-je, moi, sous ces falbalas d’emprunt, supporter — la rigueur de son regard ?

FLORIZEL.

Ne soyez — qu’à la joie. Les dieux eux-mêmes, — humiliant leur divinité devant l’amour, ont pris — la forme des animaux : Jupiter — est devenu taureau, et a mugi : le vert Neptune — est devenu bélier, et a bêlé ; et le dieu à la robe de flamme, — le dieu d’or Apollon s’est changé en humble berger — comme moi en ce