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LE CONTE D’HIVER.

ÉMILIA.

D’une fille, une magnifique enfant, — vigoureuse et bien viable. La reine en reçoit — un grand soulagement : « Ma pauvre prisonnière, dit-elle, — je suis aussi innocente que vous ! »

PAULINE.

Je le jurerais sans hésiter. — Maudites soient ces dangereuses, ces fatales lunes du roi ! — Il faudra qu’on le lui dise, et on le lui dira : ce devoir — sied surtout à une femme, et je m’en charge. — Si alors j’ai le miel aux lèvres, que ma langue ne soit plus qu’une ampoule, — et qu’elle cesse pour jamais d’être la trompette — de ma colère pourpre !… Je vous en prie, Émilia, — offrez à la reine mes services dévoués. — Si elle ne craint pas de me confier son petit nourrisson, — je le ferai voir au roi, et je m’engage à — plaider hautement sa cause. Nous ne savons pas — combien il peut s’attendrir à la vue de l’enfant. — Souvent le silence de la pure innocence — persuade, quand la parole échoue.

ÉMILIA.

Digne madame, — votre loyauté et votre bonté sont si manifestes, — que votre généreuse entreprise ne peut manquer — d’avoir une heureuse issue : nulle n’est plus que vous — à la hauteur de cette grande mission. Que votre grâce daigne — passer dans la chambre voisine ! je vais immédiatement — informer la reine de votre offre si noble. — Aujourd’hui même, justement, elle forgeait ce dessein, — mais c’est un ministère d’honneur qu’elle n’osait proposer à personne, — de peur d’être refusée.

PAULINE.

Dites-lui, Émilia, — que je me servirai de la langue que j’ai : si l’éloquence en déborde — autant que la