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SCÈNE II.
jamais exempte. Mais, j’en supplie votre grâce, — soyez plus explicite avec moi, faites-moi connaître ma faute — sous ses traits réels ; si alors je la renie, — c’est qu’elle ne m’appartient pas.
LÉONTE.

N’avez-vous pas vu, Camille, — (sans nul doute vous l’avez vu, autrement votre lorgnette serait plus épaisse que la corne d’un cocu), n’avez-vous pas entendu dire, (car, devant un spectacle aussi apparent, la rumeur — ne saurait être muette,) n’avez-vous pas cru, (car la pensée — n’existe pas chez l’homme qui ne le croit pas,) — que ma femme est infidèle ? Si tu l’avoues, — et tu le dois, à moins de nier impudemment — que tu aies des yeux, des oreilles, une raison, alors — dis que ma femme est un cheval de bois, et qu’elle mérite un nom — aussi ignoble qu’aucune caillette qui se donne — avant les fiançailles ; dis cela et développe-le.

CAMILLO.

— Je ne voudrais pas rester là à entendre — noircir ainsi ma maîtresse souveraine, sans — en tirer vengeance sur-le-champ. Maudit soit mon cœur, — si vous avez jamais dit une chose plus indigne de vous — que celle-ci ! La répéter serait un péché — aussi grand que le péché lui-même, s’il était vrai.

LÉONTE.

N’est-ce donc rien que de se parler tout bas, — de s’appuyer joue contre joue, de s’approcher nez à nez, — de se baiser le dedans des lèvres, de fermer la carrière — du rire par un soupir, signe infaillible — d’une vertu qui se brise, démettre le pied à cheval sur le pied, — de se fourrer dans des coins, de souhaiter que l’horloge soit plus rapide, — l’heure, une minute, midi, minuit, et que tous les yeux, — excepté les leurs, les leurs seulement, — soient aveuglés par une taie, par une cata-