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LE CONTE D’HIVER.

LÈONTE.

Satisfaire — le désir de votre maîtresse !… Satisfaire ! … — Il suffit. Je t’ai confié, Camillo, — les secrets les plus profonds de mon cœur, aussi bien — que ceux de mon conseil ; tu étais comme le prêtre — qui purifiait mon âme, et je te quittais toujours — comme un pénitent converti ; mais je me suis — trompé sur ton intégrité, ou du moins — sur celle que je te supposais.

CAMILLO.

À Dieu ne plaise, monseigneur !

LÉONTE.

— Que je m’y fie plus longtemps ! Tu n’es pas loyal, ou, — si tu inclines à l’être, tu es un lâche — qui par derrière donne le croc en jambe à la loyauté pour l’empêcher de suivre — le droit chemin : ou je dois te regarder — comme un serviteur, enraciné dans ma confiance, — et trop négligent pour y rester, ou comme un sot — qui me voit enlever mon plus riche trésor dans une partie de tricheurs, — et qui prend le tout pour une plaisanterie.

CAMILLO.

Mon gracieux seigneur, — je puis être négligent, sot et peureux : — nul homme n’est exempt de ces défauts, — au point d’être sûr que, parmi les innombrables incidents de ce monde, — la négligence, la sottise, la peur — ne se révéleront pas en lui. Si jamais dans vos affaires, monseigneur, — j’ai été volontairement négligent, — ç’a été sottise de ma part ; si j’ai joué exprès — le rôle de sot, ç’a été négligence — à bien peser le résultat ; si jamais j’ai craint — de faire une chose dont le succès me semblait douteux et dont l’exécution était — un danger criant, ç’a été une crainte — qui peut affecter les plus sages — : ce sont là, monseigneur, — de ces infirmités permises dont la loyauté même — n’est